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Un mot perdu de Jean Moulin
26 septembre 2012

9. Question de souveraineté : plutôt Hitler que le Front populaire

     Lorsque nous (Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange) sommes venus offrir "Fallait-il laisser mourir Jean Moulin?" à Annie, la fille de Pierre Cot, nous avons eu la surprise de découvrir son étonnement et même son incrédulité devant l'appréciation extrêmement positive que nous avons de l'ensemble de la trajectoire politique de son père, et de pouvoir mesurer son émotion de prendre connaissance du lien particulièrement étroit que nous établissons entre Jean Moulin et le même Pierre Cot à propos, en particulier, de l'élaboration du Conseil National de la Résistance.

     En cette année-là (1995, vraisemblablement), Pierre Cot passait pour avoir sans doute été un agent... du KGB, et Jean Moulin lui-même s'apprêtait à monter dans la charrette des traîtres à la patrie. 

     Très inquiète, elle aussi, Lucie Aubrac nous avait dit à peu près ceci quelques semaines plus tôt : "Encore heureux, qu'ils n'aient pas déjà l'idée de sortir Jean Moulin du Panthéon!"

     Dans un geste troublant de naïveté et de précipitation, Annie Cot nous a alors remis ce qui lui paraissait être une sorte de protection décisive pour la mémoire de son père. Quatre universitaires venaient de rassembler, dans un très modeste fascicule, une défense et illustration des faits et gestes politiques de celui-ci, faits et gestes (de détail) qui semblaient démontrer que, que et que. Il en résultait que l'ensemble d'une extraordinaire carrière d'homme d'Etat, et tout particulièrement la gloire inoubliable que devrait valoir à l'ancien ministre de l'Air du Front populaire, Pierre Cot, d'avoir été l'auteur intellectuel véritable de la trajectoire politique de Jean Moulin disparaissaient derrière une prétendue défense dont l'essentiel était qu'à force de défendre, elle ne faisait qu'enfoncer celui qu'à chaque ligne elle démolissait plus ou moins inconsciemment... Il ne restait plus qu'à attendre que les archives de Moscou parlent.

     Peu après, une lamentable biographie de Pierre Cot devait, de la même façon, oublier complètement Jean Moulin et annoncer que les archives de Moscou, et puis les traductions des documents codés, mais traductions qui demanderaient sans doute quelques années pour... parce que la complexité... enfin, on verrait bien.

     En 2012, c'est-à-dire près de vingt ans plus tard, tout ceci est devenu parfaitement inutile, puisqu'il n'y aurait apparemment plus rien à défendre du passé glorieux de la France résistante : Jean Moulin est tout de même encore au Panthéon, mais notre pays lui-même est désormais intégré jusqu'à la moëlle dans l'Europe allemande puisque, ainsi que le signalait l'économiste Christian Saint-Etienne le 23 janvier de cette même année devant la caméra de Xerfi Canal : "De facto, la France vit un effondrement, un mai 40 économique."

     Que peut donc bien signifier tout cela?

Vidéo de l'exposition Jean Moulin

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Commentaires
C
Bonsoir Maurice,<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour votre commentaire qui me paraît tout à fait pertinent dans la perspective qui est la vôtre. Vous me permettrez de vous dire que ce n'est pas la mienne, ici.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de trouver une origine historique précise à cette formule qui n'est là - comme ailleurs - que pour illustrer, d'une façon qui ne me semble pas tout à fait arbitraire, les activités de la Cagoule à une époque où Léon Blum n'était plus du tout à la tête des affaires de la France, mais où la lutte antifasciste portée par les plus ardents animateurs du Front populaire (Pierre Cot, entre autres) était encore bien présente.<br /> <br /> Par ailleurs, il me semble que l'ensemble des activités résistantes de Jean Moulin renvoient au serment prêté le 14 juillet 1935 de ne pas se séparer avant d'en avoir fini avec le fascisme justement : il aura été l'une des expressions les plus marquantes de ce temps de constitution du Front populaire.<br /> <br /> .<br /> <br /> Pour vous permettre de retrouver cette formule dans un contexte un tout petit peu différent, je vous donne cette référence :<br /> <br /> http://mjcuny-fpetitdemange.hautetfort.com/archive/2007/12/21/quand-les-ogres-se-devorent-entre-eux-13.html<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> Michel J. Cuny
M
Le slogan « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » n'a jamais eu d'existence réelle. Il a été inventé et diffusé par le PCF après la Libération. Je vous défie de le trouver dans aucune publication ou archive avant 1944.<br /> <br /> La formule qu'on trouve avant-guerre est, sous la plume de quelques écrivains d'extrême-droite comme Céline (qui ne sont pas "les élites" ou "le patronat", mais s'y opposeraient plutôt): "Plutôt Hitler que Blum".<br /> <br /> Plus tard le PCF récupérera cette formule en la transformant, et l'imposera dans l'opinion – un peu comme la formule "hitléro-trotskyste", qui n'a pas plus de réalité.<br /> <br /> Cette phrase vise personnellement "Blum"… or après la guerre Léon Blum était devenu la bête noire des communistes depuis qu'il avait critiqué le régime Stalinien. Régime Stalinien qui était en train de lancer une campagne antisémite ("le complot des blouses blanches").Donc le PCF a remplacé "Blum" par "le Front Populaire”.<br /> <br /> Ce slogan a acquis valeur d'évidence à force d'être répété en boucle, sans que jamais personne n'en vérifie la source.
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